Référendum pour les animaux : pourquoi je dis OUI au débat

Je ne suis pas anti-spéciste. Je ne suis pas anti-chasse. Je mange de la viande et je n’ai aucunement l’intention de changer mon régime alimentaire. Je ne suis missionné par aucun lobby ou groupe de pression. Je ne suis soumis à aucun agenda politique caché. Je connais et défends la ruralité. La ruralité, j’en ai été un citoyen avant d’en être un élu. Et dans cette ruralité, diverse et en constante évolution, le sujet du bien-être animal mobilise une écrasante majorité de nos concitoyens.

Une fois ces préalables établis, nous pouvons engager une discussion sereine autour du référendum pour les animaux. Je refuse la caricature dans laquelle certains voudraient nous enfermer. Je regrette profondément que sur ce sujet comme sur d’autres, le débat se déroule sur un mode manichéen où chaque camp diabolise l’autre.Je souhaite tout d’abord établir un constat, le bilan de notre majorité n’est pas suffisant sur le dossier du bien-être animal. Le sujet doit être étudié par le législateur dans les meilleurs délais. Les français réclament ce débat. Ce débat est légitime. Leur refuser serait une erreur historique.

Le RIP est-il la meilleure solution? Il ne m’appartient pas d’en juger. Je constate simplement qu’il est prévu par la Constitution, et qu’il a le mérite de mettre à l’ordre du jour politique un sujet trop longtemps écarté. Les responsables politiques sont face à leurs responsabilités. Ils ne peuvent décemment refuser l’obstacle une fois de plus. Le Référendum d’Initiative Partagée prévoit que la proposition de loi puisse être débattue, amendée et votée au Parlement (voir infographie ci-dessous). C’est la démarche que je défends et c’est le scénario que je privilégie. Le Parlement, c’est le lieu du débat.

Parmi les sujets pris en compte dans le RIP, quelques-uns cristallisent particulièrement les passions. Le RIP n’envisage ni l’interdiction de la chasse, ni la fin de l’élevage. Ce RIP n’est pas un cheval de Troie destiné à imposer par la suite des mesures extrémistes. Les élus de la Nation doivent être en capacité d’éviter ce genre d’excès. Pour mémoire, le RIP est porté parde très nombreuses associations parmi lesquelles la Fondation Nicolas Hulot, la Fondation 30 millions d’amis, ou encore la WWF, toutes structures qu’il serait ridicule de qualifier d’extrémistes. Je ne partage pas les idées de toutes les associations qui soutiennent cette démarche mais refuser le débat au prétexte que certains contradicteurs ne partagent pas nos idées serait évidemment absurde. C’est l’essence même du débat. Et c’est le devoir de l’élu.

En ce qui concerne les chasses traditionnelles, chacun doit revenir à la raison. Les chasseurs ne doivent pas considérer ce RIP comme une menace. Pour quiconque connait la pratique vertueuse de l’immense majorité des chasseurs en France, sa fonction et même son utilité en termes de gestion des écosystèmes,la simple idée d’interdire toute forme de chasse est absurde et inimaginable. Pour autant, certaines pratiques dites «traditionnelles», mais sans doute serait-il plus juste de dire «confidentielles », n’ont plus leur place dans notre société. Des pratiques cruelles notamment choquent légitimement une immense majorité des françaises et des français et doivent être abandonnées. En ce qui concerne la chasse à courre, je ne peux me résoudre à penser qu’elle constitue un marqueur de la vie dans nos campagnes. Les défenseurs de cette chasse mettent souvent en avant son caractère rural et même démocratique. Au regard de l’Histoire, l’argument me paraît difficile à recevoir. De même que l’Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni y ont mis fin, je souhaite que la France en fasse de même.

En ce qui concerne l’élevage intensif, il est important que les professionnels se saisissent de cette chance historique de faire évoluer leurs pratiques. Il faut préparer l’avenir et anticiper les changements fondamentaux d’un marché en mutation. 20 ans pour changer de modèle, c’est une génération. C’est la garantie que cette proposition de loi n’anticipe pas la fin de l’élevage mais permettra bel et bien la pérennité d’une filière qui doit trouver sa place dans un monde qui change. Les agriculteurs sont des acteurs essentiels de notre société. Cela était vrai hier, ce le sera encore plus demain. Accompagnons-les, soutenons-les. Les consommateurs ont des exigences et les marchés constituent une réalité qu’il serait dangereux d’ignorer.
 
Enfin, les animaux sauvages ont-ils leur place dans les cirques? Sur cette question, je me suis forgé une conviction claire qui rejoint celle d’une majorité des françaises et des français. Sans remettre en cause la bonne foi et l’affection que portent les professionnels à ces animaux, je suis convaincu que la place d’un fauve ou d’un éléphant n’est pas dans un cirque. Je ne crois pas que le cirque soit amené à disparaître suite à cette interdiction. Le cirque d’il y a 100 ans n’est pas le même qu’aujourd’hui. La tradition circassienne a toujours su évoluer et continuera de le faire, pour le meilleur et le plaisir de tous.
 
En conclusion, c’est en toute conscience que je soutiens ce référendum d’initiative partagée. Je souhaite que cette démarche aboutisse à l’examen du texte au Parlement. Je m’interroge surtout sur la difficulté à rassembler les 185 signatures de parlementaires nécessaires à l’enclenchement de ce processus démocratique alors même qu’une grande majorité de nos concitoyens le soutient. Au moment où les françaises et les français réclament légitimement plus de démocratie directe et après les revendications qui se sont exprimées au cours du Grand Débat, les élus de la Nation doivent prendre la mesure de ce que signifie la part «représentative» de notre démocratie.
 
Bertrand Bouyx, député du Calvados