J’ai signé cette semaine, la tribune de M. CESARINI :
Penser l’immigration du 21ème siècle avec humanité et efficacité, pour une intégration réussie dans les territoires
Un débat sur l’immigration a été annoncé par le Premier Ministre le 30 septembre à l’Assemblée. C’est un débat important, à aborder sans tabou ni posture, mais sans se tromper de question. La question n’est pas tant combien nous pouvons accueillir, mais comment on peut mieux intégrer. Suivant nos choix, 10 migrants sans accompagnement peuvent être un problème ou bien 30.000 migrants bien insérés peuvent être une chance pour notre pays. Tous les rapports, de l’OCDE à l’INSEE, montrent que l’immigration a un apport positif à l’économie d’un pays. Les économistes ledisent régulièrement : la contribution des immigrés à l’économie est supérieure à ce qu’ils reçoi-vent en termes de prestations sociales. Ainsi aborder le sujet sous l’angle des quotas est une erreur. Cette vieille idée avait même été enterrée par le rapport Mazeaud pendant le quinquennat Sarkozy.
Deux angles nous semblent préférables pour parler d’intégration : faciliter l’accès au marché dutravail et déconcentrer l’accueil des migrants dans les territoires.
Le moins que l’on puisse dire est qu’il est compliqué d’employer un migrant. L’employeur doit s’assurer que le métier est considéré comme sous tension par l’administration, depuis un an etdans sa zone géographique. Il doit monter un dossier prouvant que le poste est vacant depuis plu-sieurs semaines. Il doit aussi payer une surtaxe. Enfin, l’administration vérifie aussi les compétences du migrant. Comment bien parler d’intégration dans ses conditions ? L’Histoire montrepourtant depuis des siècles que les intégrations des personnes immigrées sont réussie si elle passe par le travail. La loi Asile et Immigration de 2018 a surement été trop timorée pour faciliter leuraccès au marché du travail. Or les pénuries de main d’œuvre sont monnaie courante dans certains territoires et pas seulement sur les métiers en tension. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 300 000 emplois non pourvus dans notre pays et 30 000 migrants économiques par an. Pour ne citer qu’un seul exemple concret, à Toulouse, les patrons du BTP recrutent parmi les réfugiés, motivés par leurs atouts: une forte motivation, une valeur travail encore intacte, une grande assiduité, intégrés par des contrats de professionnalisation, associé à l’apprentissage de la langue française avant d’obtenir un cdd, voire un cdi. Le bénéfice est double puisque les demandeurs d’asile renforcentl’économie nationale française en palliant l’insuffisance chronique de main d’œuvre dansnos métiers difficiles. Et les entreprises préservent ainsi le formidable potentiel des nouveaux arrivants, en ne les cantonnant pas à l’impuissance et à l’assistanat.
Il nous faut aussi réfléchir sur la déconcentration. Parquer les migrants en général et dans les Mé- tropoles en particulier ne permet pas une intégration satisfaisante. Ils arrivent souvent dans les quartiers déjà difficiles des grandes villes. Ajouter de la misère à la misère ne peut être qu’un cercle vicieux pour tout le monde. Quel sens y’a-t-il à ce que des centaines de demandeurs d’asilesyriens paysans passent des mois porte de la Chapelle plutôt que dans des départements ruraux ?Les exemples d’intégration réussie sont à chercher dans nos villages : le chômage y est plus faiblequ’ailleurs, les PME cherchent des compétences techniques, des commerces sont à reprendre, des déserts médicaux cherchent leur médecin, des écoles manquent d’une poignée d’élèves pour nepas fermer. La réalité montre que ces arrivées de population sont une chance pour redynamiser les
territoires. Monthureux-sur-Saône (Vosges), Campôme (Pyrénées-Orientales), Pessat-Villeneuve (Puy-de-Dôme), Montrottier (Rhône) sont autant de communes où les élus et la population se sa-tisfont de cette intégration. L’équation est finalement simple : ils sont sans maison et il y’a des mai- sons sans personne, ils ont des compétences et il y’a des emplois non pourvus, ils ont besoind’éducation et il y a des écoles qui risquent de fermer faute d’élèves.
Le prochain acte de décentralisation attendu en 2020 doit donc aussi s’appliquer à l’immigration.Ce nouvel acte ne se place plus entre Paris et la province, mais à partir des Métropoles et le reste du pays. Pour cela, concernant l’immigration, il faut mettre en place une coordination des secteursde l’emploi en France (Pôle Emploi, Le Bon Coin, missions locales et toutes les plateformes et appli-cations) pour cartographier les zones des métiers en tension. Les migrants ont tout quitté matériel-lement. Leur seule richesse, c’est leur savoir-faire et souvent un smartphone, ainsi il faudrait une plateforme commune qui leur serait destinée et qui recense les offres privées couplées avec les aides des communes.
Si l’immigration est bonne pour l’économie, pour qu’elle soit bonne pour la société, il faut que l’intégration soit réussie. Il faut donc aider les villes à accompagner cette intégration en matière delogement, d’accès à l’école, d’apprentissage de la langue. La loi asile-immigration prévoyait une solidarité des territoires, où en est-on ?
L’argument simpliste selon lequel les immigrants rentreraient en concurrence avec les chômeurs français a été démenti par de nombreuses études, notamment de l’OCDE. S’il y’a bien un rapportentre taux de chômage et immigration, il est plutôt inversé…De plus, n’oublions pas que les ré-formes de la formation professionnelle et des allocations chômage concernent tout le monde, pour maximiser les chances des chômeurs de retrouver un emploi et pour les employeurs de trouver la bonne compétence.
Si nous parlons seulement des migrants économiques, c’est qu’il n’y a pas de débat à notre senssur les réfugiés politiques, protégés par le droit d’asile que l’on considère inaliénable, ni sur les étudiants étrangers qui constituent la grande part des immigrés chaque année, ils participent for- tement au co-développement de leurs pays d’origine en formant ici des talents pour là-bas.
Enfin, ne soyons pas dupes, ce débat sur les migrants économiques est souvent instrumentalisé parceux qui veulent accentuer le sentiment de rejet lié à l’étranger et à l’islam. Le débat ne doit passervir de marche-pied à ceux qui font leurs fonds de commerce d’une irréelle association immigra-tion-islam-délinquance, cherchant à cristalliser les haines sur tous les citoyens de confession mu- sulmane.
Le débat qui s’ouvrira est finalement le bienvenu. Espérons qu’il ait le mérite de poser les bonstermes et les bons chiffres pour éviter une hystérisation qui serait inversement proportionnelle à la réalité migratoire. Ne laissons pas le débat de l’immigration aux conservateurs et à la droite. Ne le laissons pas dériver vers une palabre sécuritaire, protectionniste ou identitaire. Nous devons construire l’immigration du 21ème siècle avec humanité et efficacité, pour une intégration réussie dans les territoires.
Signataires :
Jean-François Cesarini, Député LREM de la 1ère circonscription de Vaucluse
Marine Wonner, Députée LREM de la 4e circonscription du Bas-Rhin
Delphine Bagarry, Députée LREM de la 1ère circonscription des Alpes-de-Haute-Provence
Jean-François Mbaye, Député LREM de la 2e circonscription du Val-de-Marne
Pierre-Alain Raphan, Député LREM de la 10e circonscription de l’Essonne
Mireille Clapot, Députée LREM de la 1ère circonscription de la Drôme,
Sandrine Mörch, Députée LREM de la 9e circonscription de la Haute-Garonne
Hubert Julien-Laferrière, Député de la 2e circonscription du Rhône
Monica Michel, Députée LREM de la 16e circonscription des Bouches-du-Rhône
Sonia Krimi, Députée LREM de la 4e circonscription de la Manche
Stella Dupont, Députée LREM de la 2e circonscription du Maine-et-Loire
Stéphane Claireaux, Député de la 1ère circonscription de Saint-Pierre-et-Miquelon
Albane Gaillot, Députée LREM de la 11e circonscription du Val-de-Marne
Aina Kuric, Députée apparentée LREM de la 2e circonscription de la Marne
Nathalie Sarles, Députée LREM de la 5e circonscription de la Loire
M. Roland Lescure Député LREM des Français établis hors de France (1re circonscription)