Je suis allé cette semaine à la rencontre des Sapeurs-Pompiers du territoire, notamment à Bayeux et Courseulles-sur-mer, afin d’échanger et de consulter dans le cadre l’examen prochainement de la PPL Matras VISANT À CONSOLIDER NOTRE MODÈLE DE SECURITE CIVILE ET VALORISER LE VOLONTARIAT DES SAPEURS–POMPIERS.
L’enjeu est à la mesure de l’engagement quotidien et du dévouement exemplaire des sapeurs-pompiers.
Je tiens à remercier les soldats du feu qui m’ont accueilli et permis d’appréhender au plus près du terrain les enjeux auquels nous devons répondre. La Loi Matras est une formidable avancée et les travaux à venir doivent encore permettre d’améliorer son impact sur la mission des pompiers, maillon essentiel de notre sécurité collective.
La préservation de la vie et la sauvegarde des populations civiles sont au cœur du contrat social. L’expression des libertés n’a de sens, en effet, que dans une société garantissant la protection des personnes et des biens contre les accidents, les catastrophes, ainsi que l’alerte des populations : Tel est, en France, l’objet de la sécurité civile. Véritable troisième force de sécurité intérieure, la sécurité civile est la réponse pragmatique et structurée aux attentes de protection des citoyens face à l’évolution des risques naturels, technologiques, sanitaires ou industriels. Les fondements de cette réponse se sont construits grâce à l’action collective de l’État et des collectivités territoriales. Nous devons préserver cette double gouvernance, ce double engagement au service des Français. Le modèle français de sécurité civile promeut la résilience sur les bases d’un lien fraternel.
La résilience, d’une part, car la sécurité civile procède d’une approche globale allant de la prévention des risques et l’organisation des secours, au retour à la vie normale après les catastrophes. La fraternité, d’autre part et surtout, grâce à l’engagement sans faille des 249 700 sapeurs-pompiers au service de la Nation, malgré l’accroissement des interventions. En 2018 ce sont ainsi près de cinq millions d’interventions qui ont été réalisées par ces femmes et ces hommes, souvent volontaires, soit une intervention toutes les sept secondes. Il s’agit de l’une des plus belles manifestations fraternelles de notre société. Évoquer notre modèle de sécurité civile ne peut se faire sans parler des volontaires, socle de notre modèle de secours et de gestion des crises. Composant 79 % des effectifs des sapeurs-pompiers, le volontariat est au croisement de nombreux enjeux politiques consubstantiels dans notre pays. Il s’agit du développement de l’engagement, de l’altruisme face à l’individualisme, ou bien encore de la résilience face à l’aggravation et la récurrence des crises, mais également du maintien de la proximité et de l’équité des secours dans les territoires. Ainsi, face au recul des services publics dans ces territoires, les volontaires sont aujourd’hui, plus que jamais, les piliers d’une société plus solidaire, plus résiliente et plus engagée. Nous devons collectivement être à la hauteur de leur engagement.
Toutefois, notre modèle de sécurité civile et ses acteurs sont aujourd’hui fortement contraints par des éléments endogènes et exogènes. En effet, d’une part, l’accroissement des sollicitations opérationnelles (plus de 26 % entre 2011 et 2017 pour le secours d’urgence à personne) et la stagnation ou la diminution de l’engagement volontaire et, d’autre part, l’augmentation de l’insécurité liée aux interventions, sont de nouveaux défis pour la soutenabilité d’un modèle fortement imprégné par le volontariat. Par ailleurs, à ces éléments s’ajoute le risque d’une éventuelle application de la directive temps de travail, qui aurait des effets mortifères pour le volontariat. Ainsi, afin de répondre à ces problématiques, la présente proposition de loi est le fruit d’une très large concertation. Elle a fait l’objet d’un travail de concertation, à la suite de la mission volontariat menée conjointement avec l’Assemblée Nationale, le Sénat et la Fédération des Sapeurs-Pompiers et dont les conclusions ont été rendues en mai 2018. Elle a été également nourrie par les échanges qui ont eu lieu lors des auditions réalisées par le groupe Sapeurs-Pompiers volontaires à l’Assemblée Nationale, co-présidé par Fabien Matras et Pierre Morel à L’Huissier. Les dernières décennies ont posé les jalons d’une sécurité civile moderne et ancrée dans les territoires : la loi du 22 juillet 1987 a structuré son organisation et lui a donné une définition, la loi de 1996 l’a placée sous l’angle de la subsidiarité en consacrant le rôle de proximité irremplaçable des collectivités territoriales par la départementalisation des SDIS. La loi de 2004 et celle de Pierre Morel-À-L’Huissier en 2011, enfin, ont contribué à moderniser son cadre juridique ainsi que celui du volontariat. Il ne s’agit pas ici de revenir sur ces acquis, mais de renforcer notre modèle. En droite ligne avec la volonté du Président de la République dans son discours du 6 octobre 2017, la présente loi a donc quatre ambitions principales.
Consolider notre modèle de sécurité civile
Le secours est une activité interministérielle nécessitant la coordination de nombreux acteurs pour faire face à des menaces protéiformes, mais les centres d’incendies et de secours se sont progressivement concentrés sur le service de secours à personne, pour atteindre 84 % de leurs interventions. À cet effet, la présente proposition de loi consacre, pour la première fois, une définition de la carence ambulancière : elle doit permettre de mieux répartir les flux et la charge des interventions d’urgence, tout en respectant la compétence des médecins régulateurs.
Par ailleurs, la récurrence des phénomènes climatiques et des catastrophes naturelles impose de donner une nouvelle envergure à la coopération locale en matière de prévention. La proposition de loi crée donc, dans le cadre de la lutte contre les inondations, un guichet unique et une commission départementale de coordination et d’optimisation des programmes d’actions de prévention des inondations. Elle met également en place un Plan intercommunal de Sauvegarde, désormais obligatoire, afin de renforcer la synergie et l’efficacité de toutes les strates administratives. Elle prévoit aussi d’adapter les outils dont disposent les forces de secours aux opportunités qu’offre le numérique.
Moderniser nos services d’incendie et de secours
La présente proposition de loi a également l’ambition d’adapter nos SIS aux enjeux de la société contemporaine. Pour cela, elle clarifie certaines dispositions prévues dans les codes actuels mais prévoit surtout des mesures visant à développer encore la diversité des profils au sein des forces de secours. Répondant ici à l’un des enjeux qui avait été identifié par la mission Ambition Volontariat, nous prévoyons de tendre vers la parité au sein des Conseils d’administration des services d’incendie et de secours et d’instaurer dans chaque SIS, un référent diversité et mixité. Maintenir notre capacité d’intervention en confortant l’engagement Un triptyque doit guider l’action visant à maintenir notre capacité d’intervention, il s’agit de : reconnaitre, favoriser, et renforcer. Reconnaître l’engagement de ceux qui risquent leur vie au service de l’intérêt général est un devoir. À ce titre la proposition de loi instaure la promotion au cadre d’emploi, au grade ou à l’échelon, des professionnels et volontaires fonctionnaires blessés ou décédés en service. Cette reconnaissance est un engagement de la Nation envers leurs familles, cette mesure s’accompagne donc également de la reconnaissance de la qualité de pupille de la Nation aux descendants des Sapeurs-Pompiers tués pendant les opérations de secours lors de crises majeures. Favoriser l’engagement, aussi bien professionnel que volontaire, ciment d’une société plus solidaire et résiliente, est une nécessité : la présente proposition de loi prévoit donc des mesures en faveur des Sapeurs-Pompiers et de leurs employeurs. Issue de la proposition n° 22 du rapport sur le Volontariat et nourrie par des échanges du Groupe d’étude de l’Assemblée Nationale, la première de ces mesures est l’attribution d’une bonification en matière de retraites, plébiscitée depuis longtemps par le monde pompier.
La loi renforce également la prise en charge de la protection sociale des volontaires, pour en étendre les garanties au même niveau que celle des professionnels, tout en allégeant la charge financière qu’elle représente pour les petites communes. D’autres mesures visant à la valorisation des acquis et à la reconnaissance des qualifications en entreprises sont également prévues. Renforcer, enfin, notre capacité d’intervention. La suractivité opérationnelle du secours d’urgence engendrée par l’accroissement des risques rappelle la nécessité d’envisager l’activité de secours comme un ensemble, au-delà des clivages culturels pouvant préexister. Ainsi, la synergie entre les professionnels de santé et la sécurité civile doit être renforcée, la présente proposition de loi prévoit donc la fusion des plateformes d’appels d’urgence à travers un numéro unique, le 112. Est également instaurée une réserve de sécurité civile à l’échelle du SDIS, qui pourra servir de force de soutien pour les interventions lors de crises majeures, et contribuera en collaboration avec le milieu associatif, à la diffusion d’une doctrine globale de sécurité civile. Attente forte de leur part, la réserve permettra en outre aux anciens Sapeurs-Pompiers volontaires de poursuivre leur engagement. Enfin, le rôle des associations agréées de sécurité civile est reconnu et renforcé
Protéger les acteurs de la sécurité civile pour l’avenir
La présente proposition de loi renforce la protection des pompiers sur le terrain judiciaire, aussi bien civil que pénal. En effet, en plus des agressions dont ils sont victimes dans certains quartiers, les pompiers sont souvent amenés à faire face à des situations de violences par des personnes souvent en détresse sociale ou psychologique. Selon l’ONDRP, en 2017, le nombre d’agressions de sapeurs-pompiers en France a atteint 2 813 (soit en moyenne six pompiers agressés pour 10 000 interventions), représentant une augmentation de 17,8 %. Le nombre d’agressions déclarées a notamment explosé à Paris et à Marseille, où les pompiers sont militaires : + 74 % pour ceux de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et + 68 % pour ceux du bataillon de marins-pompiers de Marseille (BMPM). Il est donc instauré un renforcement des sanctions pour les agressions de sapeurs-pompiers, ainsi que la possibilité pour les SDIS de se porter partie civile en cas d’incendie volontaire. Nous prévoyons aussi de permettre un développement des dynamiques locales en instituant dans chaque SIS, un référent sécurité.